Lille, 7 novembre 2015 – Tripostal
Inspirée du livre de Peter Sloterdijk, l’exposition « Tu dois changer ta vie ! » est une injonction à agir. Il est moins question de montrer, d’inspirer ou de provoquer que de pousser chacun de nous à devenir actif, à trouver un chemin dans lequel nous pourrons nous révéler et devenir acteur simultanément de notre vie et de la Vie. Autour de thèmes variés, composants inévitables de notre quotidien, comme les nouvelles technologies, l’écologie ou la science, nous sommes entraînés à jouer, expérimenter et faire des choix. Une seconde jeunesse !
Dès l’entrée de l’exposition, le visiteur doit faire un choix : deux parcours sont proposés. Deux chemins associés chacun à une couleur pour décider par quel angle on veut aborder le sujet. Puis, d’expérience en expérience, il semble que nous retrouvions une petite part de cet émerveillement d’enfant : chercher le fonctionnement de tel ou tel objet, vouloir toucher, caresser, tirer, tordre, goûter, mordre, courir au milieu de la piscine à ballons de Martin Creed, entendre leur crissement, en éclater quelques uns par maladresse, sursauter, rire. Nous nous reconnectons à nos émotions les plus enfantines et les plus instinctives.
Après deux fascinants noirs de Pierre Soulages, plus loin, je reste fascinée par une salle sombre dans laquelle plusieurs petits faisceaux lumineux se baladent sur les murs, le plafond et le sol. Sur des tables, une douzaine de casques audio. Chacun diffuse une fréquence bien particulière, présentée sur une tablette à côté. On nous invite à écouter chacune de longues secondes, et d’expérimenter les propriétés qu’on leur attribue. De la conscience profonde à la méditation, en passant par la transe chamanique et la relaxation, chaque fréquence, beaucoup de l’ordre du dixième de Hz, suscite un état d’esprit singulier qu’il nous est rare d’atteindre si rapidement, à un tel niveau de conscience. Les sons à peine audibles posent la question de l’impact des ondes sur la matière, et plus largement, sur le corps et l’esprit. Je reste plusieurs minutes avec les 0,33 Hz de la deep consciousness. Pourrait-on imaginer un monde où la prise de conscience ne dépend pas seulement d’une richesse ou d’une lacune d’éducation ?
Nous plongeons ensuite dans les sous-sols du Tripostal pour rester dubitatives face à une vidéo mise en scène de 30 min de réactions en chaîne. De subtils jeux d’équilibre, de réactions chimiques et d’énergie cinétique, orchestrés au millimètre près, entraînent de multiples balancements, oscillations, chutes, allumages, rotations, bouillonnements, souffles et mouvements en tout genre. Les objets très triviaux qui servent de support (chaises, bouteille en plastique, seau, pneu…) sont animés par des sources a priori invisibles : réactions chimiques, étincelles, propulsions. Le mouvement est initié par l’infiniment petit, et nous laisse à penser que la réflexion mène à l’infiniment grand.
C’est en sortant de l’exposition, en passant de l’obscurité de la cave au timide soleil de novembre que nos cerveaux commencent à digérer tout ce que nous avons vu. Quels sont les rouages de nos décisions ? Quelles sont les conséquences de nos actes ?