Je le savais que je ne pourrais pas rivaliser.
Dès le départ, ç’avait été évident. Mais comme tout le monde, tant que ça n’est pas très clair et explicite, on y va de ses risettes et de son côté le plus avantageux.
Il a l’air de pas grand chose, comme ça, au fond de la pièce, tout seul, mais on voit tout de suite qu’il se passe beaucoup de choses dans sa tête. Comme s’il était en détresse, ses yeux vont et viennent du bar aux tables, en fouillant les gens, la foule, en dérobant des regards, des expressions, éclats de rire ou fossettes discrètes. Je sens son urgence de tout capter, de tout observer sinon de tout comprendre, l’impératif de s’imprégner de cet instant sublime qui plane. Quelque part, quelqu’un rit, et en tournant la tête, il me voit.
Je suis moi-même, habillée simplement d’un sourire complice, avec toute ma sincérité, toute la naïveté dont je me pare pour plaire, parce que c’est ce qui me va le mieux, comme ça, en société.
Il hésite, mais je sais déjà ce qui va se passer. Derrière, quelqu’un rit à nouveau, et j’entends l’éclat carmin qui s’étire, l’éclair mutin qui attire. Ses yeux me quittent pour explorer ce nouveau rire coloré.
Je vous l’avais bien dit, on ne peut pas rivaliser avec un rouge à lèvres.